Au Sénégal, un nouvel obstacle à la candidature d’Ousmane Sonko à la présidentielle

Au Sénégal, un nouvel obstacle à la candidature d’Ousmane Sonko à la présidentielle

Devant un public figé par l’attente, le président de la Cour suprême du Sénégal, Aly Ciré Ba, a annoncé, vendredi 17 novembre, d’un ton solennel que la plus haute instance judiciaire du pays « cass[ait] et annul[ait] la décision du tribunal de Ziguinchor du 12 octobre ». Ce précédent jugement revenait sur la radiation des listes électorales de l’opposant Ousmane Sonko et donnait à ce dernier une chance de se relancer dans la course à la présidentielle de février 2024.

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En l’abrogeant, la Cour suprême n’a pas remis en question la compétence du juge de Ziguinchor mais estimé qu’il avait commis une erreur de droit dans son jugement : selon l’instance, Ousmane Sonko a bien été notifié et informé de la procédure de radiation du fichier électoral le concernant, contrairement à ce qu’avait considéré le magistrat casamançais. Aly Ciré Ba a donc décidé de renvoyer l’affaire devant le tribunal hors classe de Dakar pour qu’elle soit rejugée sur le fond.

Le bras de fer engagé entre Ousmane Sonko et l’Etat sénégalais tient le Sénégal en haleine depuis deux ans et demi. L’opposant, au discours souverainiste et panafricaniste, est très populaire auprès de la jeunesse, sensible à ses diatribes contre « la mafia d’Etat », les multinationales et l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française.

« Nous sommes déçus de la justice sénégalaise »

En détention depuis la fin du mois de juillet, le leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), parti dissout le 31 juillet, avait été retiré du fichier électoral après sa condamnation, en juin, à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » dans une affaire où il était accusé de viols. Une mesure qui l’empêche, légalement, de se présenter à l’élection présidentielle.

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En décidant, contre l’avis du procureur général, de casser le jugement du tribunal de Ziguinchor, le président de la Cour suprême a donné raison aux agents de l’Etat, au terme d’un long délibéré très technique. Des justifications accueillies froidement par les militants du Pastef présents dans la salle, vêtus de tee-shirts à l’effigie de leur leader. « Ce n’est pas possible ça !  », s’est exclamé Moussa Dramé, un élu du parti de l’opposant, en sortant de l’audience. « Nous n’avons plus d’espoir. Nous sommes frustrés et déçus de la justice sénégalaise. La démocratie est menacée », a-t-il commenté.

Après de multiples rebondissements judiciaires, la participation ou non d’Ousmane Sonko à l’élection présidentielle de février 2024 n’est donc toujours pas tranchée. Ayib Daffé, agissant comme mandataire d’Ousmane Sonko, n’a pas réussi à se procurer les fiches de parrainage nécessaires pour collecter des soutiens et déposer un dossier de candidature. Or « la campagne de parrainage se termine dans quelques semaines et d’ici là, le tribunal [de Dakar] n’aura pas le temps de juger », s’inquiète Me Bamba Cissé, un des avocats de l’opposant.

Combatif, Me Ciré Clédor Ly, un autre représentant de la défense du maire de Ziguinchor, estime, lui, qu’« Ousmane Sonko peut réunir ses parrainages en moins de vingt-quatre heures, donc, jusqu’à présent, sa participation n’est pas compromise… Mais l’Etat joue avec le temps ».

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Un camouflet de la part de la Cedeao

Plusieurs figures de l’opposition étaient présentes vendredi dans la salle d’audience pour afficher leur soutien, comme l’ancienne première ministre Aminata Touré, Déthié Fall, du Parti républicain pour le progrès (PRP), Habib Sy, de la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi, et El Malick Ndiaye, du Pastef. « C’est une déception, le juge de la Cour suprême avait l’occasion de rétablir l’Etat de droit. Il a fui ses responsabilités », a réagi Cheikh Tidiane Youm, président de la conférence des leaders de Yewwi Askan Wi.

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La décision de la plus haute instance judiciaire sénégalaise est le deuxième camouflet judiciaire infligé vendredi aux partisans d’Ousmane Sonko. Plus tôt dans la journée, la Cour de justice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), également saisie par les avocats de l’opposant pour contester sa radiation des listes électorales, avait estimée que « le Sénégal n’[avait] violé aucun de ses droits ». Elle avait par ailleurs refusé de se prononcer sur la dissolution du Pastef.

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Craignant des débordements, les autorités sénégalaises avaient interdit, vendredi, la circulation des motos et la vente de carburant au détail dans la capitale. Dans la matinée, quelques pneus ont été brûlés en banlieue de Dakar, comme à Pikine ou Keur Massar. Protégé par un fort dispositif policier, le bâtiment de la Cour suprême avait des allures de camp retranché.

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