La fin du monde est arrivée. Nils en est convaincu, il va mourir, seul dans son petit appartement. Il se perd en conjecture sur les raisons ayant mené à « la catastrophe » qui semble avoir terrassé la Suède. Sa sœur, Wilma, s’occupe, elle, de leur petit frère, Leo, en proie à une grave crise d’asthme. Impossible de trouver de quoi le soigner. Une immense panne informatique paralyse le pays. La pharmacie n’a plus accès à ses stocks, les supermarchés ne prennent plus les cartes bancaires, les trains sont bloqués… Dans leur wagon transformé en sauna, Ali et Dejan tuent le temps, en jouant sur leur téléphone, jusqu’à ce qu’ils n’aient plus de batteries. Ils prennent alors conscience qu’ils n’ont plus rien à manger ni à boire.
Ce scénario apocalyptique est celui du petit roman, intitulé Klara, färdiga (« à vos marques, prêts », consultable ici au format pdf), envoyé début novembre, pour la seconde année consécutive, par l’Agence suédoise de la protection civile (MSB) à 122 000 jeunes Suédois âgés de 16 ans. Il était accompagné d’une lettre, rédigée en suédois, en anglais et en arabe les informant qu’ils font partie comme tous leurs compatriotes âgés de 16 à 70 ans de la « défense totale » du pays. « Cela veut dire que nous avons tous le devoir de contribuer en cas de danger de guerre ou de conflit (…) y compris les jeunes », expliquait la missive.
Cette obligation est inscrite dans la loi depuis 1995, mais la doctrine de la défense totale a vu le jour bien avant, pendant la guerre froide. La Suède comprend que, face au danger d’une guerre totale, elle doit pouvoir mobiliser non seulement son armée, mais également sa population : « Pour que la société puisse continuer à fonctionner, il faut que tout le monde contribue », explique Christin Thörnvall, qui a chapeauté la campagne de la protection civile. Ainsi, selon la loi, « en cas de guerre ou de menace de guerre, si le gouvernement relève le niveau d’alerte, alors les hommes et les femmes âgés de 16 à 70 ans ont tous l’obligation de participer à la défense du pays », précise-t-elle.
« Ils peuvent orienter des convois »
Pendant quelques années, cependant, après l’implosion de l’URSS et la fin de la guerre froide, la Suède a voulu croire à une paix durable. Elle a suspendu le service militaire, fermé des casernes et transformé ses abris antibombes en locaux à vélos. L’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, est un coup de semonce : la conscription est rétablie, l’île de Gotland, en mer Baltique, remilitarisée et la défense totale remise à l’ordre du jour.
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