« L’invasion russe est une conséquence inévitable de la révolution de Maïdan »

« L’invasion russe est une conséquence inévitable de la révolution de Maïdan »

Les frères Mustafa et Masi Nayyem, 42 et 38 ans, sont nés à Kaboul. Enfants de la guerre soviétique en Afghanistan, ils vivent à Kiev depuis 1990. D’abord journaliste, spécialisé dans les affaires de corruption, Mustafa Nayyem est devenu célèbre grâce à un message posté sur Facebook, le 21 novembre 2013, dans lequel il appelait les Ukrainiens à se rassembler sur la place de l’Indépendance, à Kiev, pour protester contre la décision du président Viktor Ianoukovitch de renoncer à signer un accord d’association avec l’Union européenne (UE). Cette manifestation déclencha le mouvement Euromaïdan, la « révolution de la dignité », qui poussa le chef de l’Etat à fuir l’Ukraine. Député sur la liste du président Petro Porochenko (2014-2019), puis vice-directeur d’Ukroboronprom (2019-2021), un conglomérat d’entreprises de défense, et vice-ministre des infrastructures (2021-2023), Mustafa Nayyem est actuellement directeur de l’agence pour la reconstruction de l’Ukraine.

Son frère, Masi Nayyem, est avocat. Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, il s’engage dans les forces armées, puis rejoint les services de renseignement militaire. Il est gravement blessé à la tête en juin 2022, et perd un œil. Après sa convalescence, il est promu lieutenant. Parallèlement à la vie militaire, il a créé une association, Pryncyp, qui conseille combattants blessés et vétérans confrontés aux méandres de la bureaucratie ukrainienne.

Dix ans après votre célèbre message et la révolution de Maïdan, Mustafa, que vous inspire le fait que l’Ukraine est en train de combattre la Russie dans une guerre de cette ampleur ?

Mustafa Nayyem : La guerre était inévitable, même si nous ne le savions pas au moment de Maïdan. Elle est une conséquence inévitable de notre révolte. Sans Maïdan, l’étape suivante aurait été la transformation de l’Ukraine en une autre Biélorussie, c’est-à-dire en un pays totalement aligné sur la Russie. Evidemment, nous ne nous attendions pas à ce qui se passe depuis le 24 février 2022. C’était impossible à prévoir, impossible à imaginer, mais inévitable.

Ce n’est pas une guerre rationnelle, [le président russe, Vladimir] Poutine n’est pas rationnel. Il tombe amoureux d’une idée et ne compte ni les gens, ni les ressources, ni le temps, rien. Il ne faut pas chercher dans ses actes de raisons rationnelles telles que des enjeux de populations ou de territoires, c’est inutile. La Russie possède suffisamment de territoires. A été évoquée l’idée d’une menace que ferait peser l’OTAN [sur la Russie], or maintenant [depuis le 4 avril 2023] la Russie a, à sa frontière, la Finlande membre de l’OTAN.

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